On parle souvent de patrie comme on parle d’un mythe lointain. On brandit le mot « patriotisme » lors des discours, des matchs, des crises.
Mais une fois l’émotion retombée, le pays redevient abstrait. Quelque chose que l’on critique, que l’on accuse, que l’on fuit… rarement quelque chose que l’on sert.
Aimer son pays ne commence pas par chanter l’hymne.
Cela commence par une question simple et inconfortable : si ce pays était une entreprise familiale, comment me comporterais-je à l’intérieur ?
Quand il s’agit de nos projets personnels, nous sommes exigeants, rigoureux, rapides, obsessionnels même.
Nous respectons les délais.
Nous relançons.
Nous insistons.
Nous trouvons des solutions.
Mais quand il s’agit du bien commun, soudain tout ralentit. Les dossiers dorment.
Les horaires deviennent flexibles.
La responsabilité se dilue.
Et l’indifférence s’installe comme une norme silencieuse.
Ce décalage est au cœur du mal.
Un fonctionnaire qui traîne un dossier public mais qui se bat pour son commerce privé le soir ne manque pas de compétence. Il manque de conscience patriotique.
Un agent qui traite mal un citoyen mais se montre exemplaire avec un client payant ne manque pas d’intelligence. Il a simplement séparé son intérêt personnel du destin collectif.
Le patriotisme commence là où cette séparation s’arrête.
Aimer son pays, ce n’est pas dire « l’État doit ».
C’est se demander : qu’est-ce que je fais, moi, quand personne ne regarde ?
C’est respecter une procédure même quand on pourrait la contourner.
C’est refuser un pot-de-vin même quand il est « normal ».
C’est faire son travail correctement même quand le salaire est faible, parce que la médiocrité collective coûte toujours plus cher que l’effort individuel.
Un pays ne se développe pas par des promesses.
Il se développe par des gestes répétés.
Quand un enseignant prépare réellement ses cours, même sans inspection, il construit la patrie.
Quand un infirmier soigne avec humanité, même dans un hôpital sous-équipé, il construit la patrie.
Quand un policier protège au lieu d’intimider, il construit la patrie.
Quand un commerçant refuse la fraude, il construit la patrie.
Quand un citoyen jette ses déchets correctement, il construit la patrie.
Aucune de ces actions ne fait le buzz.
Mais toutes bâtissent l’avenir.
Le patriotisme, ce n’est pas aimer son pays quand il gagne.
C’est l’aimer assez pour ne pas l’abîmer quand il dépend de toi.
Nous aimons souvent l’Afrique comme on aime un rêve. Mais on ne soigne pas un pays avec des rêves. On le soigne avec des comportements.
Un pays est lent quand ceux qui le servent le sont.
Un pays est corrompu quand ceux qui y vivent l’acceptent.
Un pays est pauvre quand l’excellence y est exceptionnelle au lieu d’être normale.
Et pourtant, chaque citoyen détient une parcelle de souveraineté.
Chaque poste, aussi modeste soit-il, est un levier.
Chaque jour est une opportunité de faire mieux que la veille.
Le patriotisme moderne n’est pas bruyant.
Il est discret, rigoureux, exigeant.
Il ne cherche pas d’applaudissements.
Il cherche des résultats.
Aimer son pays, c’est arrêter de dire :
« Ce n’est pas mon problème » et commencer à dire : « Si je fais mal ici, le pays le paiera ailleurs. »
La patrie n’est pas un concept abstrait.
Elle est dans les files d’attente, les écoles, les hôpitaux, les bureaux, les routes, les marchés.
Elle est dans ton geste quotidien.
Un pays change quand ses citoyens cessent d’attendre un sauveur et commencent à se comporter comme des bâtisseurs.
Je vous le dis, l’Afrique n’est pas maudit comme le pensent certains. Il est temps de prendre ses responsabilités pour changer les choses.