C’EST LA FIN D’ANNÉE ET VOUS ALLEZ ENCORE COMMENCER PAR RACONTER LES MÊMES MENSONGES À LA POPULATION

Chaque année, c’est la même pièce de théâtre. Décembre arrive, l’harmattan se lève, les routes se remplissent, et vous relancez vos vieilles brochures de superstition comme si vous étiez le service marketing de l’invisible.

Vous direz que les sorciers mangent les gens à la fin de l’année. Vous expliquerez les accidents par la « saison des sacrifices ». Vous justifierez chaque décès, chaque malaise, chaque toux trop insistante par une “attaque mystique”, parce que dans votre tête, la réalité n’est jamais assez intéressante pour être acceptée.

Or la vérité, la vraie, celle qui pique mais qui soigne, c’est qu’il y a toujours eu des accidents.

Mais en fin d’année, la circulation se densifie. Tout le monde roule pressé, chargé, distrait. Certains boivent avant de conduire, d’autres écrivent des messages au volant, d’autres encore roulent comme si la route leur appartenait. Alors oui, les accidents augmentent. Pas parce que vos tantes se transforment en hiboux affamés, mais parce que votre pied dépasse la vitesse autorisée. Ce n’est pas la sorcellerie, c’est la physique. Et la physique gagne toujours.

Je vois aussi que chaque fin d’année, vous accusez les vieilles dames, les vieux hommes, ceux qui ont juste besoin d’un peu d’aide, de chaleur humaine, d’un repas chaud et d’un médicament payé à temps. Vous les prenez pour des monstres invisibles, des “mangeurs d’âmes”, des responsables automatiques de tout ce que vous refusez de comprendre. Vous prenez leur faiblesse pour de la menace, leur âge pour de la magie noire. C’est injuste, c’est cruel, c’est ignorant. Et ça détruit plus de familles que n’importe quel esprit.

Et parlons nourriture.

En fin d’année, les gens mangent n’importe quoi, n’importe comment, chez n’importe qui. Ils mélangent alcool, huiles, viandes mal conservées, restes réchauffés dix fois. C’est l’intoxication alimentaire, et malheureusement, parfois ça tue. Ce n’est pas sorcier. C’est microbiologique. Il suffit de contrôler son assiette avant de contrôler le village.

Et si on parlait de l’harmattan ?

Cette période où l’air est sec, froid, rempli de poussière, de bactéries, de microbes. Beaucoup de gens ne supportent pas cette transition. Leur santé se dérègle, leurs voies respiratoires s’enflamment, leurs défenses immunitaires s’effondrent. Et comme vous croyez déjà que “les sorciers mangent les gens en décembre”, vous fuyez l’hôpital. Vous emmenez les enfants chez des féticheurs, des pasteurs improvisés médecins, des spiritualistes diplômés de l’école du récit. Pendant ce temps, la maladie progresse. Et quand l’enfant meurt, après trois semaines de retard médical, vous dites que c’est la fin d’année. Non. C’est votre refus de la connaissance.

Si j’avais un enfant, je ne lui raconterais pas que les sorciers font des festins humains en décembre. Je lui enseignerais à traverser la route correctement, à respecter les limites de vitesse, à manger sainement, à se laver les mains, à aller à l’hôpital dès les premiers signes inquiétants. C’est ça, protéger un enfant. Pas lui fabriquer des fantômes pour expliquer ce que vous ne comprenez pas.

Les enfants africains ont besoin de connaissances, pas de superstitions. De science, pas de peur. De réflexion, pas de récits qui transforment un continent entier en prison mentale. Vous détruisez leur logique, leur confiance en eux, leur rapport au réel. Vous élevez des générations persuadées que la mort a un calendrier magique et que la vie se gère à coups d’incantations.

Et je vous comprends. On est nés dedans. On a grandi dedans.

Sans sortir de sa zone de confort, sans lire, sans comprendre, sans confronter ses propres croyances, on reste prisonnier. C’est exactement l’allégorie de la caverne de Platon : tant que vous refusez de regarder la lumière, l’ombre vous semblera plus vraie que la vérité.

La pauvreté aide aussi ces croyances à s’installer. Mais soyons honnêtes : même les riches tombent dedans. Plus les poches sont pleines, plus certains cœurs deviennent superstitieux. Comme si la peur augmentait avec la taille du portefeuille.

En fin d’année, préparez-vous à faire un bilan de santé plutôt qu’à nourrir un pasteur qui vous vend un DVD spirituel de protection.

Prenez l’argent de vos dîmes et faites un voyage en famille. Mangez bien. Riez. Vivez. Faites l’amour. Profitez. La vie est là, devant vous. Pas dans un monde imaginaire exporté le dimanche matin.

La croyance aveugle est une maladie mentale subtile. Elle éteint la pensée, elle entretient la peur, elle maintient les foules dociles. Pendant que vous tremblez devant des sorciers imaginaires, le monde avance sans vous.

Alors je vous en prie : regardez la réalité. Aucun sorcier ne vous poursuit, aucune tante ne prépare une réunion nocturne pour vous éliminer. Le vrai danger, c’est votre ignorance et votre refus de réfléchir.

Et puis, si la sorcellerie existait vraiment, avec tout ce que j’ai lu, tout ce que j’ai cherché, tout ce que j’ai étudié, je serais déjà gradé niveau suprême, édition collector.

Mais non.

Je suis sorcier seulement d’une chose : la connaissance.

La connaissance libère. La peur enchaîne.

À vous de choisir votre camp.