Vers 1500 avant notre ère, des peuples indo-aryens arrivent dans la vallée de l’Indus. Ils apportent leurs langues, leurs rituels, leurs dieux — Indra, Agni, Soma. C’est le monde des Védas, textes poétiques chantés, transmis oralement pendant des siècles.

À ce stade, il n’y a pas encore d’hindouisme :

il y a une religion rituelle centrée sur les sacrifices du feu.

Les prêtres — les brahmanes — deviennent la colonne vertébrale de ce système. Ils gardent le savoir, contrôlent les rituels, définissent la pureté, dictent les règles sociales. C’est ici que naît le système des castes, étudié par Romila Thapar : à l’origine, un ordre socio-religieux qui classe les humains selon leur “pureté”.

Avec le temps, cela devient un mécanisme rigide et impitoyable.

Une société où la naissance décide de la valeur d’un être humain.

Puis survient une révolution interne.

Vers le VIᵉ siècle avant J.-C., des penseurs, des mystiques, des renonçants quittent les villages, les castes, les lois. Ils méditent dans les forêts, questionnent les prêtres. Ils rejettent les sacrifices et cherchent l’essence du monde. De cette rupture naissent les Upanishad, les grands textes philosophiques qui introduisent l’idée d’un principe absolu : Brahman, l’âme universelle. Et d’une âme individuelle, Atman, qui cherche à se libérer du cycle des renaissances.

C’est à ce moment que l’hindouisme commence vraiment à se former.

Mais l’histoire ne s’arrête pas. Entre le Ier et le VIᵉ siècle après J.-C., l’Inde voit émerger les grands dieux : Vishnu, Shiva, Devi.

Des cultes régionaux fusionnent. Des mythes locaux deviennent universels. Les rois utilisent la religion pour légitimer leur pouvoir.

Des temples immenses se construisent. Les épopées — le Mahabharata et le Ramayana — sont fixées, remodelées, augmentées, réinterprétées au fil des siècles.

L’hindouisme devient un océan et absorbe tout : les dieux de village, les traditions tribales, les philosophies abstraites, les rituels magiques, les yogis, les rois, les réformateurs.

Ce n’est pas une religion “pure”. C’est un continent religieux, changeant, mouvant, infini.

Le Bhagavad Gita, souvent présenté comme “la Bible hindoue”, n’est pas un texte originel : c’est un ajout tardif au Mahabharata, probablement composé entre le IIᵉ siècle avant J.-C. et le IIᵉ siècle après J.-C. Un texte politique autant que spirituel, qui justifie la guerre au nom du devoir.

Pendant le Moyen Âge indien, l’hindouisme devient intimement lié aux royaumes. Les rois se proclament représentants de Vishnu ou Shiva. Les temples deviennent des centres économiques.

Les prêtres deviennent une élite et la caste devient une arme.

Puis surviennent les invasions musulmanes et la formation des sultanats. Contrairement aux mythes modernes, ce ne fut pas un simple choc de civilisations. Les recherches de Richard Eaton montrent une réalité complexe : alliances politiques, conversions locales, résistances, syncrétismes. L’hindouisme survit parce qu’il absorbe, adapte, transforme.

Au XIXᵉ siècle, sous la colonisation britannique, tout change encore.

Les colons imposent leurs catégories religieuses.

Ils forcent l’Inde à se définir. C’est ici, paradoxalement, que naît l’idée moderne d’un “hindouisme” unifié.

Les réformateurs comme Vivekananda reconstruisent la religion en version universelle, simplifiée, compatible avec l’Occident. L’hindouisme se modernise, se “nationalise”, se réinvente pour survivre.

Aujourd’hui encore, on croit que l’hindouisme est une religion tolérante, non violente, éternelle. Mais l’histoire montre autre chose : c’est une religion qui a produit des philosophies sublimes, des mythes magnifiques mais aussi un système de castes qui a brisé des millions de vies, des guerres religieuses, des discriminations brutales, et des mouvements politiques nationalistes modernes (Hindutva) utilisés comme armes identitaires.

Aucune religion, même la plus ancienne, n’est née parfaite.

Elles naissent des mains des hommes, de leurs peurs, leurs ambitions, leurs rêves, leurs guerres. Elles changent, se transforment et se réinventent.

La vérité n’offense que ceux qui refusent d’ouvrir les yeux.